Comment préparer
l'avenir d'un incapable majeur ?

 

Nous développons l'exemple d'une famille (famille Z) composée de trois enfants, dont un enfant incapable majeur (âgé de 35 ans). Les deux parents sont respectivement âgés de 67 et 72 ans. Le patrimoine à transmettre, du vivant des deux parents, s'élève à environ 60.000.000 de francs.

 

I - PREPARER L’AVENIR DE L'INCAPABLE MAJEUR : ORGANISER SA VIE

 

A. Comment organiser la vie de l'incapable ?

A cette question, le législateur répond aux parents par un certain nombre de propositions susceptibles de leur permettre d’organiser, au mieux, l’avenir des personnes protégées et la gestion de leur patrimoine. Mais, c’est aux parents de choisir la solution la mieux adaptée à leur enfant, et d’y penser avant qu’il ne soit trop tard.

Organiser la vie de l'incapable majeur, c’est avant tout, le placer sous un régime légal de protection. Beaucoup de parents s’y refusent, sous prétexte qu’ils prennent eux-mêmes soin de leur enfant. Or, ils commettent là une grave erreur et s’ils disparaissent brutalement, des complications surgiront, tant pour la prise en charge de l’handicapé que pour le règlement de leur succession, les partages entre frères et soeurs, et la gestion des biens échus à l’incapable.

Comme, en outre, les parents ne peuvent pas préparer, dans un testament, la tutelle de leur enfant majeur incapable (comme c’est permis pour les mineurs), tous les parents devraient rencontrer le juge des tutelles. En discutant avec lui, ils pourront participer au choix du régime de protection : curatelle, tutelle, administration légale (qui évite le conseil de famille). Mais surtout, connaissant leur enfant et son entourage, ils aideront le juge à décider du représentant le plus efficace et le plus attentif.

Si l'incapable majeur est placé sous protection légale après le décès de ses parents, le juge est seul à décider de la mesure à prendre et de la personne à nommer pour le représenter. Or, malgré l’enquête à laquelle il ne manquera pas de se livrer, le juge risque de se tromper.

Enfin, si l’on a plusieurs enfants et que l’un d’eux au moins est d’accord, la donation avec charges permet aux parents de favoriser un enfant, qui en contrepartie s’engage à prendre soin de son frère handicapé, ou encore à lui verser une rente viagère. La pratique démontre que, plutôt que de favoriser l’enfant handicapé, mieux vaut souvent favoriser l’un de ses autres enfants, pour qu’il prenne en charge financièrement son frère handicapé et pour faciliter la conservation des biens de famille.

 

B. Qui sera nommé tuteur ?

Le tuteur du majeur incapable est désigné par le juge des tutelles et le conseil de famille qu’il a formé. C’est, le plus souvent, le père ou la mère de l’enfant. Le tuteur ne peut déléguer ses pouvoirs ni les laisser exercer par quelqu’un d’autre, pas même son conjoint. Le tuteur prend soin quotidien du majeur protégé.

 

C. Quels sont les pouvoirs de gestion du tuteur ?

Le tuteur gère les biens de son pupille dans le souci de permettre à la personne protégée de profiter des biens qu’elle possède tout en préservant son avenir :

- Les actes courants, appelés actes d’administrations, peuvent être accomplis sous la seule responsabilité du représentant. Celui-ci est donc autorisé à agir seul pour souscrire une assurance, ordonner des travaux d’entretien, encaisser des revenus ou des loyers, donner à bail à court terme, vendre ou acheter des objets de peu de valeur, régler les frais d’éducation etc ...

- En revanche, pour les actes de disposition, c’est-à-dire ceux qui risquent de diminuer la valeur du patrimoine de la personne protégée, le représentant doit être autorisé par le juge des tutelles, et quelquefois par le conseil de famille. Il en va ainsi pour la vente d’un immeuble ou d’un fonds de commerce, pour un emprunt, une hypothèque, un bail de plus de neuf ans, mais aussi pour l’acquisition d’un bien immobilier ou d’un objet de valeur, la souscription d’un compte ou d’un plan épargne-logement.

- En ce qui concerne les placements financiers, le représentant apporte des suggestions au juge des tutelles dont il lui faut obtenir l’approbation. Ce dernier, en effet, veille au respect de l’intérêt de la personne protégée.

Le tuteur rend compte de sa gestion chaque année, et en fin de tutelle, au décès de l’incapable majeur.

 

 

II - PREPARER L’AVENIR DE L'INCAPABLE MAJEUR : SES MOYENS D’EXISTENCE

 

A. Le nécessaire respect de la réserve héréditaire de l'incapable majeur

 

Aux termes de l’article 913 du Code civil, la réserve héréditaire en présence de trois enfants s’élève aux ¾ de la succession (1/4 chacun). Chacun des époux Z. ne peut donc disposer librement que du ¼ de ses biens.

L'incapable majeur, dûment représenté par son tuteur, est donc en droit de faire valoir sa réserve héréditaire tant dans la succession du survivant des époux, que dans la succession du prémourant d’eux.

 

1. Une donation est régularisée

Supposons que les époux Z. adoptent le régime de la communauté universelle tel que décrit ci-dessus, et réalisent tous deux une donation-partage d’une partie de leur patrimoine commun à leurs deux enfants valides. Dans une telle hypothèse au décès du prémourant des époux, l'incapable majeur est dans l’impossibilité de constituer sa part de réserve à l’aide d’actifs successoraux (puisque la succession du prémourant ne comprend aucun actif). Il est donc en droit d’obtenir la réduction de la donation-partage consentie à ses frères et soeurs.

Exemple : Les époux Z. adoptent la communauté universelle avec attribution au dernier vivant. Ils consentent une donation-partage aux deux enfants valides pour 60.000.000 de francs (chacun des deux parents donne 15.000.000 de francs à chacun des deux enfants valides, les chiffres retenus n’étant donnés qu’à titre d’exemple).

La succession du prémourant se liquide comme suit :

Masse de calcul

Actif successoral NEANT
Réunion fictive de la libéralité 30.000.000
Total de la masse de calcul 30.000.000

Dont le ¼ forme la quotité disponible 7.500.000
Et dont les ¾ forment la réserve globale de chacun des enfants 22.500.000
En conséquence, pour constituer la réserve héréditaire de l'incapable majeur, chacun des enfants gratifié devra lui verser 3.750.000 francs : 3.750.000 x 2 = 7.500.000 francs.

Pour se prémunir contre un tel risque, il faut donc allotir l'incapable majeur du ¼ des biens donnés et partagés.

Exemple : Les époux Z. adoptent la communauté universelle avec attribution au dernier vivant. Ils consentent une donation-partage à leurs trois enfants pour 60.000.000 de francs.
Chacun des deux parents donne :
- 7.500.000 de francs à l’enfant invalide.
- 11.250.000 de francs à chacun des deux enfants valides.
La succession du prémourant se liquide comme suit :

 

Masse de calcul :

Actif successoral NEANT
Réunion fictive de la libéralité 30.000.000
Total de la masse de calcul 30.000.000

Dont le ¼ forme la quotité disponible 7.500.000
Et dont les ¾ forment la réserve globale de chacun des enfants 22.500.000
Chacun des enfants a au moins reçu sa réserve héréditaire dans la succession du prémourant des époux. La donation-partage n’est pas réductible pour atteinte à la réserve de l'incapable majeur.

 

2. Aucune donation n’est régularisée

Dans cette hypothèse, faute de réunion fictive de libéralité, la succession du prémourant n’a pas besoin d’être liquidée, car elle ne comprend ni actifs successoraux (tous les biens de la communauté universelle passent au conjoint survivant), ni réunion fictive de libéralité (faute de libéralité).

Masse de calcul :

Actif successoral NEANT
Réunion fictive de la libéralité NEANT
Total de la masse de calcul NEANT
Faute d’actif successoral, aucun des enfants ne peut prétendre à quoi que ce soit.

 

B. Les avantages attachés à la donation-partage

 

La donation-partage réalise un partage successoral anticipé. Le but recherché n’est pas seulement de gratifier ses enfants, mais également de régler définitivement le sort des biens objets de la donation-partage. En effet, soucieuse de stabiliser un tel partage anticipé, la loi prévoit que tous les biens objets d’une donation-partage acceptée par tous les enfants seront évalués au jour de l’acte, et non à une date ultérieure.

Ainsi, si la donation-partage a été conçue égalitaire (1/3 chacun, en avance d’hoirie) ou respectueuse de la réserve de chacun (1/4 pour l'incapable majeur et 3/8ème pour chacun des deux autres enfants, en avance d’hoirie), elle le reste dans les opérations de liquidation de la succession, puisque les plus ou moins-values advenues aux biens après leur distribution n’y sont pas prises en compte. Chaque enfant profite ou souffre seul des fluctuations de valeur de son lot.

Exemple : Monsieur Z.(seul) donne à ses trois enfants (E1, E2, E3) 30.000.000 Francs chacun en avancement d’hoirie. A l’aide de cet argent, E1 achète un appartement à PARIS, E2 dépense toute la somme, et E3 achète un fonds de commerce. Au jour du partage de la succession, l’appartement vaut 75.000.000 Francs, et le fonds de commerce 150.000.000 Francs. On suppose que l’actif au décès est absorbé par le passif successoral.

* Si ces libéralités ont pris la forme de donations, la succession se liquide de la façon suivante : Rapport dû par E1 75.000.000
Rapport dû par E2 30.000.000
Rapport dû par E3 150.000.000
255.000.000

Soit le 1/3 pour chaque enfant : 85.000.000

- Il est attribué à E1, son rapport, plus une soulte de 10.000.000 Francs.
- Il est attribué à E2, son rapport plus une soulte de 55.000.000 Francs.
- Il est attribué à E3, son rapport, à charge de verser une soulte à ses frères, d’un montant global de 65.000.000 Francs.

* Si ces libéralités ont pris la forme d’une donation-partage, la succession n’a plus à être liquidée et partagée. Aux termes de la donation partage, chacun des enfants a reçu en avancement d’hoirie un lot d’une valeur identique. Aucune soulte n’est due et chacun conserve son allotissement.

L’utilisation de la donation-partage implique que tous les enfants soient gratifiés en même temps et dans le même acte par le ou les parents-donateurs. Une telle donation-partage permettra de fixer définitivement la valeur du lot de chaque enfant au jour de la donation-partage. Toutes les plus et moins-values postérieures à la donation-partage sont désormais pour le donataire concerné.

 

C. Première possibilité : l’allotissement de l'incapable majeur à l’aide d’un capital

C’est la solution la plus simple. L'incapable majeur reçoit un capital représentant le ¼ des biens donnés et partagés, pour le remplir de ses droits de réservataire. Ces fonds sont placés, avec l’aide et l’accord du juge des tutelles, dans l’intérêt de la personne protégée.

Néanmoins, pour éviter que le juge des tutelles ne s’immisce dans la gestion des avoirs transmis à l'incapable majeur, ce capital peut être apporté à une société civile de patrimoine. Les statuts pourront être rédigés de telle sorte que le gérant (l’un ou l’autre des époux Z., ou toute autre personne statutairement désignée) soit inamovible et ait des pouvoirs très étendus pour administrer à son gré les actifs sociaux, sans avoir de compte à rendre.

Une telle solution, qui a l’avantage de la simplicité, ne permet pas de préparer la succession de l'incapable majeur. Au décès de ce dernier, les avoirs transmis en ligne collatérale seront lourdement taxés (45% entre frères et sœurs, 55% entre oncle et neveux).

 

D. Deuxième possibilité : l’allotissement à l’aide de l’usufruit de parts de société civile de
patrimoine (SCP)

 

1. Présentation du montage

Ce montage est également assez simple :

- Les époux Z. constituent une société civile de patrimoine auquel ils affectent certains avoirs (somme d’argent, immobilier, valeur mobilière...). Ici encore, les statuts sont rédigés de telle sorte que le gérant (l’un ou l’autre des époux Z., ou toute autre personne statutairement désignée) soit inamovible et ait des pouvoirs très étendus pour administrer à son gré les actifs sociaux.

- Dans un deuxième temps, l’usufruit de cette société civile est donné (par donation-partage) à l'incapable majeur, et la nue-propriété à ses deux frères et sœurs.

- Tout au long de la vie de l'incapable majeur, la société distribue les revenus nécessaires à subsistance de la personne protégée.

- Au décès de l’usufruitier, les nus-propriétaires récupèrent la pleine propriété des droits sociaux en franchise de droit de mutation, en application de l’article 1133 du Code Général des Impôts.

 

2. Un allotissement en usufruit est-il compatible avec les droits de réservataire de l'incapable majeur ?

La réserve héréditaire doit, en principe, être fournie à l’héritier en nature de pleine propriété. Dans ces conditions, le tuteur de l'incapable majeur est-il en mesure de demander la réduction de la libéralité consentie à ses frères et sœurs aux termes d’une telle donation-partage, au motif que l'incapable majeur ne reçoit pas suffisamment de pleine propriété dans la succession de ses parents ?

La réponse nous semble négative pour trois raisons :

- D’abord, il résulte des articles 866 et 924 du Code civil que la réduction des donations faites à des successibles s’exécute en valeur. Les frères et sœurs de l'incapable majeur étant des successibles, l'incapable majeur ne peut obtenir la réduction en nature de ces libéralités. A supposer que son droit de réservataire soit bafoué, il ne pourra obtenir au mieux qu’une soulte.

- Ensuite, il découle de l’application de l’article 1078 du Code civil que la donation-partage préconisée est à l’abri de toute action en réduction de la part de l'incapable majeur. Dans la mesure où les époux Z. procèdent à une répartition qui, au moment où elle est faite, respecte la réserve héréditaire de l'incapable majeur, la donation-partage est à l’abri de toute critique ultérieure dans les opérations de liquidation de la succession de l’un ou l’autre des époux. En effet, une telle donation-partage ne peut qu’avoir rempli chacun de sa réserve ou n’en avoir rempli aucun (selon la quantité de biens laissés par le défunt). Or, ni dans un cas ni dans l’autre, elle n’est réductible : les enfants se partagent les biens laissés par le défunt et trouvent, si besoin est, dans ce complément d’allotissement de quoi parfaire leur réserve héréditaire.

- Enfin, une telle donation-partage ne prévoit pas, à proprement parlé de " réserve d’usufruit " au profit des donateurs. L’usufruit ici constitué n’est pas réservé au profit des donateurs, mais transmis à l'incapable majeur à titre d’allotissement.

 

3. Calcul de la valeur de l’usufruit de parts de SCP

L’espérance de vie de l'incapable majeur s’établit à environ 35 ans. La valeur actuelle de la nue-propriété est la valeur du capital qui sera dû par la succession de l'incapable majeur dans 35 ans, actualisée à la date d’aujourd’hui en fonction d’un taux de rentabilité théorique.

Si l’on suppose que les actifs sociaux sont susceptibles de rapporter environ 5% net par an, on a :

Valeur NP = 100% : (1+ 0,05)35 = 18,12%.
Soit environ 18% de la valeur de la pleine propriété.

La valeur de l’usufruit est donnée par la différence entre la valeur de la nue-propriété et de la pleine propriété :

Valeur U = 100% - 18% = 82% de la valeur de la pleine propriété.

 

4. Exemple chiffré

Soit un actif donné et partagé de 60.000.000 de francs (les chiffres retenus ne sont donnés qu’à titre d’exemple). Pour constituer son allotissement :

60.000 000 x ¼ x 100 / 82 = 18.292.000 francs

 

TABLEAU RECAPITULATIF

Enfants

Reçu en nue-propriété

Reçu en usufruit

Reçu en pleine propriété

VALEUR TOTALE DU LOT RECU

Enfant invalide

NEANT

18.292.000

NEANT

15.000.000 francs

Enfant valide n° 1

9.146.000

NEANT

20.854.000

22.500.000 francs

Enfant valide n° 2

9.146.000

NEANT

20.854.000

22.500.000 francs

 

5. Les clauses à insérer dans les statuts ou dans la donation-partage

Une convention organisant les rapports entre l’usufruitier et les nus-propriétaires : Pour renforcer les droits de l’usufruitier, les statuts devront inclure une convention relative à l’exercice des droits de l’usufruitier (distribution des bénéfices, exercice du droit de vote aux assemblées générales ordinaires et extraordinaires...).

Le retour conventionnel : L‘acte de donation-partage devra constater la réserve d’un droit de retour (article 951 du Code civil). Cette clause permet au donateur, en cas de prédécès de l’un des donataires sans postérité, de récupérer les sommes données, ou le bien acquis en emploi de ces sommes, sans qu’aucun droit de mutation ne soit dû à ce titre (Cette clause peut être assortie d’une interdiction d’aliéner ou de donner en garantie le bien acquis à l’aide des fonds).

 

6. Les inconvénients du montage

- En l’état actuel du droit fiscal, un tel montage permet de préparer efficacement la succession de l'incapable majeur. Cependant, le bénéfice fiscal d’un tel montage est incertain, car personne ne peut dire à l’avance quelle sera la fiscalité applicable lorsque ce montage se dénouera (par hypothèse dans 25 ou 30 ans...).

- L'incapable majeur ne peut " consommer le capital " en cas de besoin. Seuls les bénéfices sociaux pourront faire l’objet d’une distribution à son profit.

 

E. Une variante : l’allotissement à l’aide d’un quasi-usufruit de somme d’argent

 

La donation-partage combinée avec une réserve de quasi-usufruit ouvre des perspectives intéressantes car elle permet de préparer efficacement la succession de l'incapable majeur, tout en lui laissant la libre disposition des fonds qu’il reçoit.

 

1. Qu’est-ce qu’un quasi-usufruit de somme d’argent ?

Aux termes de l’article 587 du Code civil : " Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution. "

En conséquence, le quasi-usufruitier peut dépenser les actifs monétaires comme s’il en était propriétaire à charge pour lui de rendre l’équivalent, en argent, à l’extinction de l’usufruit.

Ainsi, le nu-propriétaire a une créance sur la succession de l’usufruitier. Or, une telle créance est fiscalement déductible de l’actif successoral de l’usufruitier.

Exemple : L'incapable majeur reçoit 15.000.000 de francs en quasi-usufruit. Ses frères et sœurs sont nus-propriétaires. Nous supposons qu’au décès de l'incapable majeur, l’actif successoral de ce dernier comprend pour 25.000.000 de francs d’actif. On a :

Actif brut de succession 25.000.000
Passif de succession - 15.000.000
Soit actif net taxable 10.000.000
Economie d’impôt : 15.000.000 x 45% = 6.750.000 de francs

 

2. Un allotissement en quasi-usufruit est-il compatible avec les droits de réservataire de l'incapable majeur ?

Voir ci-dessus.

 

3. Calcul de la valeur d’un quasi-usufruit de somme d’argent

Voir ci-dessus.

 

4. Exemple chiffré

Voir ci-dessus.

 

5. Les clauses à insérer dans l’acte de donation-partage

Une convention organisant les rapports entre l’usufruitier et les nus-propriétaires : Pour renforcer les droits de l’usufruitier, l’acte devra inclure une convention relative à l’exercice des droits de l’usufruitier, convention aux termes de laquelle le nu-propriétaire (les autres enfants gratifiés) dispensent l’usufruitier (l'incapable majeur) de fournir caution et de faire emploi des sommes reçues par lui, et lui laissent de ce fait, la libre et totale disposition des sommes soumises à son usufruit, y compris par la consommation du capital. Ce dispositif pourra être renforcé par une clause pénale prévoyant la déchéance des droits des nus-propriétaires, en cas de contestation judiciaire sur l’emploi ou la consommation des fonds perçus par l'incapable majeur (ou mieux encore, une clause testamentaire d’exhérédation sanctionnant les mêmes agissements).

Le retour conventionnel : L‘acte devra constater la réserve d’un droit de retour (article 951 du Code civil). Cette clause permet au donateur, en cas de prédécès de l’un des donataires sans postérité, de récupérer les sommes données, ou le bien acquis en emploi de ces sommes, sans qu’aucun droit de mutation ne soit dû à ce titre (cette clause peut être assortie d’une interdiction d’aliéner ou de donner en garantie le bien acquis à l’aide des fonds).

 

6. Les inconvénients d’une telle formule

- Cette combinaison prive les nus-propriétaires de toute garantie quant à la possibilité de récupérer effectivement les fonds donnés à l'incapable majeur. Mais, cet inconvénient n’est que la contrepartie de la totale liberté offerte à l'incapable majeur d’user sans entrave de l’argent qui lui est remis aux termes de cette donation.

- Le bénéfice fiscal d’un tel montage est incertain, car personne ne peut dire à l’avance quelle sera la fiscalité applicable lorsque ce montage se dénouera (par hypothèse dans 25 ou 30 ans...). Enfin, ce montage est d’autant plus fragile que le quasi-usufruit est de plus en plus " à la mode " et une réaction de Bercy n’est pas improbable à moyen ou long terme...

- Enfin, les nus-propriétaires ou leurs ayants-droits ne doivent pas oublier de faire valoir cette créance dans le règlement de la succession de l'incapable majeur (laquelle, par hypothèse, ne s’ouvrira que dans 20 ou 30 ans...), ou d’en tenir compte dans le règlement de la succession de l’un d’entre eux, en cas de prédécès d’un nu-propriétaire.

 

E. Troisième possibilité : l’allotissement de l'incapable majeur par une donation de residuo

 

Il s’agit de l’adaptation dans le périmètre du droit français, de la technique du trust de droit anglo-saxon.

 

1. Le mécanisme de la donation de residuo

La donation de residuo consiste pour une personne à donner un bien à une autre, avec charge de transmettre à un tiers déterminé, ce qu’il restera du bien donné au moment du décès du premier donataire.

Par la donation de residuo, le donateur transmet des biens déterminés à un premier donataire et, en même temps, transmet les mêmes biens à un second donataire déterminé sous une double condition : Que le premier gratifié décède avant le second et qu’il n’ait pas disposé des biens donnés.

Pour que la donation de residuo reçoive une application certaine, il faut donc que le second donataire soit nettement plus jeune que le premier. En conséquence, les seconds donataires des époux Z. pourront être les petits-enfants nés et vivant au jour de la donation.

L'incapable majeur n’est pas obligé de conserver le bien qui lui a été légué et tout au contraire, peut l’aliéner à titre onéreux, si le besoin s’en fait sentir. La seule interdiction qui existe pour le premier bénéficiaire de la donation est de prendre une disposition testamentaire autre que celle qui a été prévue par le premier donataire. Cette interdiction n’est pas gênante s’agissant d’un majeur sous tutelle, car, indépendamment d’une telle stipulation, la loi prive l'incapable majeur de toute possibilité de donner ou léguer ses biens (sauf cas très particuliers et d’applications rarissimes).

Le legs de residuo peut porter, selon une jurisprudence récente, non seulement sur la quotité disponible, mais également sur la part de réserve du gratifié par le legs de residuo (). Par analogie, la donation " de residuo " peut donc porter, sans aucun inconvénient, sur la réserve héréditaire de l'incapable majeur, et donc s’étendre à l’ensemble de l’allotissement qu’il est susceptible de recevoir aux termes de cette donation.

Il apparaît que ce schéma juridique est donc tout à fait envisageable, même s’il reste exceptionnel en pratique.

 

2. Régime fiscal

L’absence de référence explicite sur ce point dans la doctrine administrative ne permet pas d’apporter une réponse certaine à 100%. Toutefois, l’analyse civile de la donation " de residuo " étant la même que celle du " legs de residuo ", il est permis de penser que les conséquences fiscales sont identiques à celle du " legs de residuo ", et pourraient être retranscrites de la façon suivante :

- Au moment de la donation, le donataire institué en premier lieu devrait les droits de mutations à titre gratuit dans les conditions ordinaires, le donataire secondaire ne devant rien ; ce ne serait qu’au moment du décès du donataire premier institué, que le donataire en second, devrait verser l’impôt de mutation d’après le degré de parenté avec le donateur, duquel il tient ses droits directement, sachant que pour déterminer le régime fiscal applicable, et la valeur imposable des biens recueillis par ce légataire en second on se placerait à la date du décès du premier donataire.

- On peut également se demander s’il serait possible d’admettre l’imputation des droits payés par le premier donataire sur ceux dus par le second. Cette imputation a été admise pour le legs " de residuo " aux termes d’un arrêt de la Cour Suprême du 21 octobre 1969 (). Cependant, en ce qui concerne la donation " de residuo " et, en l’absence de toute référence explicite ou implicite sur ce point, on ne peut se permettre de donner une réponse certaine à 100% quant à l’imputation des droits.

 

3. L’organisation du patrimoine transmis de residuo au sein d’une société civile de patrimoine

Le legs ou la donation " de residuo " ne peut porter sur une masse de biens appelée à fluctuer dans sa composition (ce que l’on appelle techniquement une universalité. Exemple : un portefeuille de valeurs mobilières ...). Une telle donation doit porter, au contraire, sur un bien déterminé, lequel bien doit avoir une bonne chance d’être conservé par l'incapable majeur.

C’est pourquoi, pour éviter que la donation de residuo ne fasse obstacle aux arbitrages et à la bonne gestion des actifs transmis, les époux Z. pourront utilement constituer une société civile de patrimoine, dont l’objet sera la gestion du patrimoine de l'incapable majeur. La donation de residuo portera sur les parts de cette société.

Ici encore, une telle structure offre quelques avantages supplémentaires : Les statuts pourront être rédigés de telle sorte que le gérant (l’un des époux Z.) soit inamovible et ait des pouvoirs très étendus pour administrer le patrimoine à son gré, sans avoir de compte à rendre à quiconque pendant toute la durée de ses fonctions.

 

4. Les inconvénients d’une telle formule

- Le bénéfice fiscal d’un tel montage est doublement incertain : En premier lieu, personne ne peut dire à l’avance quelle sera la fiscalité applicable lorsque ce montage se dénouera (il est à noter, cependant, qu’un tel montage est encore peu répandu). Enfin, l’imputation des droits reste incertaine.

- Les bénéficiaires en second peuvent oublier de faire valoir leurs droits dans le règlement de la succession de l'incapable majeur (laquelle, par hypothèse, ne s’ouvrira que dans 20 ou 30 ans...).

 

F. Quatrième possibilité : l’allotissement de l'incapable majeur par une rente viagère

 

Bien souvent, les parents désirent que des revenus soient alloués à leur enfant handicapé, afin d’améliorer ses conditions de vie. Les héritiers de cet enfant étant le plus souvent ses frères et soeurs, compte tenu de la fiscalité en ligne collatérale, il n’est pas utile que celui-ci ait un patrimoine en capital. Aussi, pourrait-on concilier ces diverses aspirations par une transmission du patrimoine des parents aux descendants non handicapés et d’une rente viagère à l’enfant handicapé. Etant donné l’âge de l'incapable majeur cette rente ne pourra être constituée directement par les époux Z. auprès d’une compagnie d’assurance, à des conditions financières avantageuses.

Par conséquent, le seul moyen envisageable est de faire une donation-partage à vos deux enfants, à charge de verser une rente mensuelle et viagère à l'incapable majeur. Techniquement, la soulte stipulée aux termes de la donation-partage serait convertie en l’obligation de verser une rente viagère et mensuelle à l'incapable majeur, assortie de sûretés suffisantes.

On pourrait prévoir, dans la même hypothèse, que la rente ne serait payable qu’au décès du donateur ou du dernier des donateurs, en cas de survie de l'incapable majeur. Cette rente doit être indexée sur la valeur des biens attribués aux débirentiers pour respecter les dispositions de l’article 1075-2 du Code civil.

Naturellement, si une telle solution est retenue, il convient de chiffrer le montant de cette rente avec le plus grand soin, pour ne léser personne !

 

G. La nécessaire intervention du juge des tutelles

 

1. Pour régulariser la donation-partage

Dans tous les cas ci-dessus exposés, tant pour régulariser la donation-partage, que pour organiser le placement des sommes allouées à l'incapable majeur, l’intervention du juge des tutelles nous paraît indispensable. Celui-ci sera vraisemblablement amené à nommer un tuteur ad hoc, pour la signature de l’acte de donation-partage car le tuteur ne peut être à la fois donateur et représenter valablement l’un des donataires.

 

2. Pour organiser la gestion des avoirs transmis

La question du placement des fonds devra être examinée avec le juge des tutelles préalablement à la donation-partage, si celle-ci ne porte pas sur une société civile de patrimoine gérée par les donateurs.

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