L'adoption de la communauté universelle par changement de régime matrimonial

 

 

L’article 1398 du Code Civil autorise les époux à changer de régime matrimonial après deux ans d’application. Dans un premier temps, un notaire rédige le contrat portant adoption du nouveau régime matrimonial. Celui-ci est ensuite transmis à un avocat, afin d’obtenir son homologation par le tribunal, qui est celui du domicile des époux. Le tribunal n’accorde cette homologation que s’il estime que le changement de régime matrimonial est conforme à " l’intérêt de la famille ". Une fois homologué, le jugement fait l’objet de diverses mesures de publicité : mention en marge de l’acte de naissance des époux, publication du changement de régime matrimonial à la conservation des hypothèques, etc... A moins d’un nouvel accord des époux, le changement de régime matrimonial est irrévocable. Différentes formules sont envisageables :

 

A. Le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution au survivant
 

1. Présentation du régime

Lorsqu’ils ont atteint un certain âge et que leur union ne leur semble plus susceptible d’être remise en question, les époux adoptent parfois, dans des perspectives successorales, le régime de la communauté universelle avec attribution au survivant.

* La communauté universelle comprend en principe, tous les biens meubles ou immeubles que les époux possédaient déjà en propre au moment de l’adoption du contrat, et tous ceux qui vont leur advenir par la suite, que ce soit par acquisition, succession ou donation. Corrélativement, la communauté supportera définitivement toutes les dettes des époux, présentes ou futures. En cas d’adoption d’un tel régime, les patrimoines propres (et évenutellement le patrimoine commun) des époux fusionnent au sein de la communauté universelle. En cas de dissolution de la communauté universelle par divorce, chacun des époux peut prétendre à la moitié de cette communauté.

* La clause d’attribution au survivant fait partie des clauses dites de "partage inégal" régies par les articles 1520 et suivants du Code civil. Elle n’est pas propre à la communauté universelle et pourrait tout aussi bien être prévue dans un contrat de communauté réduite aux acquêts. Une telle clause prévoit l’attribution de la totalité de la communauté au survivant des époux : En cas de dissolution de la communauté universelle par décès, l’époux survivant se retrouve propriétaire de l’intégralité du patrimoine familial.


2. Avantage et inconvénients du régime matrimonial

- La protection du conjoint survivant est maximale puisque ce dernier devient, au décès du prémourant, propriétaire de l’intégralité du patrimoine familial. Corrélativement, les enfants ne reçoivent rien au premier décès.

- L’attribution de la communauté au survivant se fait en franchise de droit de mutation à titre gratuit. Il n’y a pas de déclaration de succession à déposer dans les six mois du décès, ni surtout de droit à payer. Le conjoint survivant devra seulement faire établir en ce qui concerne les biens immobiliers, une attestation notariée destinée à la Conservation des hypothèques afin d’informer les tiers que les immeubles communs lui appartiennent.

- L’attribution intégrale prive les enfants d’un abattement fiscal. En l’absence d’un contrat de communauté universelle avec attribution au survivant, il y aurait eu deux successions (une au décès de chacun des conjoints), et donc deux fois l’occasion pour les enfants de bénéficier de l’abattement (300.000 francs x 2) et des tranches inférieures du barème. Avec une unique succession, par hypothèse plus importante, les tranches supérieures du barème pourront s'appliquer fortement (jusqu'à 40%).

- Le conjoint survivant est propriétaire de l’intégralité du patrimoine familial. Ce dernier peut donc, à sa guise le dilapider au détriment des enfants.
- Enfin, l’adoption d’un tel régime n’est pas recommandée lorsque l’un des époux exerce une activité commerciale, car toute la communauté sera le gage des créanciers, y compris les biens recueillis par succession par le conjoint.

 

B. Une variante : Le régime de la communauté universelle avec attribution au survivant en usufruit

Certaines clauses particulières permettent d’atténuer les effets du régime de la communauté universelle avec attribution au survivant :

- D’une part, les époux peuvent parfaitement exclure de la communauté universelle certains biens ou certaines catégories de biens.

- D’autre part la clause de partage inégal peut prévoir une autre formule que l’attribution intégrale de la communauté au survivant en pleine propriété (Attribution en usufruit seulement, et non en pleine propriété - transmission au survivant d’une quote-part déterminée (3/4, 4/5èmes etc ...) - attribution uniquement au profit de la femme si c’est le mari qui prédécède, ou vice-versa...)

Parmi toutes ces clauses, l’attribution universelle au survivant en usufruit retient notre attention. En effet, une telle stipulation est susceptible de ménager à la fois les intérêts du conjoint survivant et des enfants.
 

1. Présentation du régime

En cas de dissolution d’un tel régime matrimonial par divorce, chacun des époux peut prétendre à la moitié de la communauté universelle. En cas de dissolution de la communauté universelle par décès, l’époux survivant a droit, outre sa moitié de communauté, à l’usufruit de la part du prédécédé. En conséquence les enfants ne recueillent, dans la succession de leur auteur, que de la nue-propriété.
 

2. Avantages et inconvénients du régime

- La protection du conjoint survivant est bonne, puisqu’il possède la moitié de la communauté en pleine propriété et l’autre moitié en usufruit. En conséquence, le train de vie du conjoint n’est pas modifié. Le conjoint recueille cet usufruit en franchise de droit de mutation à titre gratuit. Il n’est pas propriétaire de l’intégralité du patrimoine familial. Ce dernier ne peut donc, à sa guise, le dilapider intégralement.

- Quant aux enfants, ceux-ci héritent de la nue-propriété de la moitié du patrimoine familial. Ils supportent donc l’impôt de mutation sur la valeur de cette nue-propriété, mais peuvent bénéficier du paiement différé des droits de mutation au second décès. Au second décès, ils héritent de la pleine propriété de l’autre moitié du patrimoine familial. Ils supportent l’impôt de mutation sur la valeur de cette moitié en pleine propriété.

- Cette transmission en deux temps permet d’épuiser deux fois les abattement et les basses tranches du barème. Enfin, au décès du survivant des époux, l’usufruit accordé au conjoint survivant recolle à la nue-propriété en franchise de droit. Cet usufruit n’a, a aucun moment, supporté l’impôt.

- La protection du conjoint survivant n’est pas aussi bonne que si ce dernier était propriétaire du tout. La vente d’un bien par le conjoint survivant implique soit l’accord des deux enfants, soit un partage préalable de l’indivision post-communautaire.

- La communauté universelle est le gage commun de tous les créanciers des époux.
 

3. Conclusion

L’adoption d’un tel régime matrimonial est un bon compromis entre les intérêts des enfants et du conjoint survivant. L’intérêt fiscal n’est pas non plus négligeable. Néanmoins, Cette adoption implique la réorganisation de tout ou partie du patrimoine familial au sein d’une société civile, en vue de permettre le payement différé des droits de succession dus au premier décès.

 

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